En entrant dans la parentalité, les mères découvrent que la fatigue qu’elles croyaient connaître jusqu’alors, est en fait d’une dimension complètement différente. Du matin au soir, elles assurent la gestion quotidienne de leur foyer, parfois de leur travail et surtout de leur.s enfant.s. Si les hommes assument de plus en plus leur part, il n’en reste que la charge pèse encore beaucoup sur les femmes. Ce rôle de mère peut les faire basculer dans l’épuisement tant sur le plan physique que psychique : le burn out maternel. Comment ce mal peut-il s’emparer de ces femmes ? Et qu’en est-il des hommes ? Décryptage.
Burn out maternel : quels facteurs conduisent une mère à craquer ?
Le syndrome d’épuisement parental touche de plus en plus de mères. Plusieurs facteurs de risque sont en cause :
- chercher à atteindre le perfectionnisme parental et l’idéal
Première cause de l’épuisement : le perfectionnisme. Nombreux sont les parents qui souhaitent se conformer à un modèle de parent parfait. Certaines mères poussent cette quête encore plus loin en recherchant la perfection sur tous les fronts. Qu’il s’agisse de préparer des repas sains, entretenir son logement, offrir des activités variées à ses enfants, jouer avec eux… Les mères se démènent et s’impliquent de façon exacerbée parfois à leur propre détriment.
Pour cause, cette perfection est véhiculée par les nouveaux standards d’éducation et l’idéalisation de la parentalité. Alimentation, éveil, sommeil… tous les aspects de la parentalité passent aujourd’hui au crible d’études et d’ouvrages, à un point que les parents ne se sentent plus maîtres de la situation.
À cette perte de contrôle, s’ajoutent les contradictions qui ne cessent de se multiplier au rythme de l’évolution des connaissances scientifiques. Résultat ? Les mères perfectionnistes qui s’attachent à suivre ces recommandations sont constamment stressées et leur rôle devient une véritable source de pression et d’épuisement au quotidien.
- mener une vie professionnelle ET une vie de famille
En plus de gérer les tâches ménagères, les repas, le bain et l’éducation de leur enfant, les mères ont aussi pour la plupart des obligations professionnelles à tenir. Assaillies par ce quotidien éreintant, les mères se retrouvent alors dans cette sensation de courir en permanence.
Avec l’impression que les journées sont toujours trop courtes, la fatigue peut vite se transformer en épuisement chronique. Multi-casquettes, les mères de famille peuvent subir une fatigue physique importante si elles subissent une surcharge de travail.
Plus largement les femmes qui concilient vie professionnelle et vie familiale avec des enfants en bas âge ou adolescents sont susceptibles de se retrouver submergées. Enfin, le caractère répétitif des tâches professionnelles peut aussi favoriser un burn out maternel voire une dépression, en écho à la routine des tâches domestiques.
- s’occuper d’un enfant malade ou présentant des difficultés
La présence d’un enfant malade a été largement démontré par les recherches, comme étant un facteur de vulnérabilité à l’origine d’un burn out maternel. Pour l’illustrer, une étude (Norberg, 2007) a montré que les mères d’enfants ayant survécu à une tumeur au cerveau développent deux fois plus fréquemment un burnout maternel que les mères dont l’enfant est en bonne santé.
De même, une prévalence de 42,9% d’épuisement maternel a été relevée auprès de mères d’enfants atteints de diabète de type 1 ou de maladies inflammatoires intestinales (Lindström, Aman, Norberg, 2010).
- être maman solo ou en situation d’isolement
Devoir élever seule un enfant représente une charge importante pour une mère, encore plus si elle a peu d’entourage sur qui compter. De plus, les études ont mis en évidence auprès des mères célibataires certains facteurs comme des difficultés financières, l’isolement social ou encore le sentiment d’échec comme favorisant le risque de burn out maternel.
En ce qui concerne les responsabilités financières, elles accentuent fortement le stress qui a un impact néfaste sur la santé des mères qui éduquent seules un enfant. Selon les chiffres du rapport égalité hommes/femmes, 82% des parents isolés sont des femmes (chiffres 2021).
Point de vigilance : il est important de préciser que le burn out parental est multifactoriel. Une cause isolée ne peut donc pas expliquer à elle seule ce trouble. Avoir un enfant malade ne peut pas être la seule cause de votre épuisement même s’il y contribue fortement. C’est parce que vous allez accumuler d’autres difficultés sans réussir à mobiliser assez de ressources que vous pouvez vous retrouver en déséquilibre dans votre rôle maternel.
Mères épuisées : les hommes le sont-ils autant ?
Dans le monde, les inégalités hommes/femmes sont encore très marquées. Par exemple, le temps de travail domestique et de soins non rémunérés moyen dans le monde est évalué à 4,1h/jour pour les femmes contre 1,7h/jour pour les hommes. Soit 3 fois plus ! (Sources ONU Femmes, 2020).
Bien que le partage des tâches soit plus équitable aujourd’hui, les plus grandes responsabilités de la maison et de la famille incombent encore souvent à la mère. Les chiffres de l’étude Ipsos portant sur “les Français et le partage des tâches ménagères” prouvent une inégale répartition au sein du couple :
- trier le linge et lancer une lessive : 21% des hommes contre 83% des femmes
- repasser : 20% des hommes contre 81% des femmes
- laver les sanitaires : 22% des hommes contre 78% des femmes
- sortir les poubelles : 55% des hommes contre 21% des femmes
Pour ne pas réaliser certaines tâches, les hommes trouvent plusieurs excuses : le manque de temps (39%), le défaut de compétence et l’absence d’utilité.Tandis que les femmes avancent la fatigue et le manque de courage (51%) ou le besoin d’alternance.
Là où les hommes trouvent des excuses, les femmes y voient des raisons. Encore de quoi témoigner de la charge mentale qui pèse sur les mères… Comme le clame l’auteure Titiou Lecoq, le combat féministe doit se jouer dans la vie quotidienne, au sein de la sphère privée !
Toujours selon la même étude, les hommes considèrent aussi que les inégalités hommes/femmes en matière de répartition de tâches ne sont plus vraiment un problème au sein du foyer… Pas étonnant quand on sait que les femmes passent deux fois plus de temps à gérer les tâches domestiques et à s’occuper des enfants !
Selon les données de l’Observatoire des inégalités, cela représente 1h26 de plus par jour en moyenne (étude réalisée en 2010 sur des femmes et des hommes ayant un emploi). Les mères continuent donc d’assumer les tâches routinières et astreignantes liées au foyer.
Le patriarcat est également éloquent si l’on constate les chiffres liés au travail. Selon les chiffres du rapport égalité hommes/femmes, les femmes ont majoritairement recours au temps partiel choisi pour s’occuper de leurs enfants (48% des femmes contre 14% d’hommes). Les femmes sont donc encore au premier plan pour s’investir dans leur vie de famille !
De plus, comme le souligne l’auteure Violaine Guéritault, ce même parent (la mère) au plus petit salaire demandera plus souvent un congé parental. Et pour cause, du fait d’un système patriarcal, la société incite largement moins les hommes à s’arrêter pour une longue durée.
Burn out maternel : l’importance de prévenir une “pathologie moderne”
Au vue des éléments et comme l’affirment les chercheuses, Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak, doit on alors s’étonner que burn out maternel touchent de plus en plus les mères ? Une chose est sûre, la connaissance des facteurs de risque permet de mettre en évidence les différents profils de mères à risque et de mettre en place une prévention ciblée sur ces publics.
Les inégalités hommes/femmes telles qu’elles existent aujourd’hui transmettent le mauvais message aux enfants : celui de parents aux rôles différenciés. Il est donc probable qu’ils reproduisent à leur tour ce schéma et que ces inégalités se poursuivent dans les générations à venir.
De plus, la répartition inégale des tâches a une répercussion sur le couple et sur la situation financière des femmes. En effet, en cas de séparation, elles encourent un double risque : voir leur niveau de vie diminuer et leur santé mentale se détériorer. C’est ainsi que les conséquences dévastatrices de l’épuisement sur la mère peuvent apparaître avec la survenue de troubles psychiques et de maladies liées au stress.
Pour finir, Violaine Guéritault souligne à juste titre que reconnaître l’épuisement maternel revient à reconnaître l’existence de la charge mentale. Ne serait-il donc pas grand temps que les hommes remplissent leur part dans le foyer pour ouvrir de nouvelles perspectives sur la parentalité ?
Sources
Sites
https://apprendreaeduquer.fr/fatigue-emotionnelle-physique-meres-livre-burn-out-maternel/
https://www.cairn.info/revue-la-psychiatrie-de-l-enfant-2018-2-page-421.htm
https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-le-partage-des-taches-quand-la-revolution-menagere
https://www.inegalites.fr/Le-partage-des-taches-domestiques-et-familiales-ne-progresse-pas
Ouvrages
- Le burn out parental – Surmonter l’épuisement et retrouver la joie d’être parents, Liliane Holstein, Editions Josette Lyon, 2014, 323 pages
- Libérées ! Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale, Titiou Lecoq, Essai (Poche), 2019, 264 pages
- La fatigue émotionnelle et physique des mères : Le burn-out maternel, Violaine Guéritault, Editions Odile Jacob, 2008, 319 pages
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